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Esprit de famille!(suite)

Je suis celle qui vient du pays riche alors je dois être riche.

C'est la pensée commune et  force fut de constater pour moi que si je venais pour rencontrer des personnes,

ceux que je croisais venaient rencontrer un porte-monnaie!

Membres de ma famille ou pas.

Seul mon père savait, car je l'avais averti, que ma situation financière était peu brillante à l'époque.

Certains sont même venus me voir, me disant qu'ils étaient membres de ma famille et

qu'ils avaientt besoin d'un million ou deux de francs CFA

soit 1500 à 3000 euros!

Après avoir compris leur demande je tentais de leur faire comprendre que si c'était si simple  pour moi d'avoir tout cet argent,je serais venue bien avant.

En somme, il valait mieux pour eux ne pas compter sur moi.

 

Lors de la réunion extraordinaire dans la maison familiale, chacun vint à parler de ce qu'il avait imaginé pour aider financièrement la famille:

l'un pensait ouvrir un petit magasin de photo, l'autre une boutique de vêtements...bref, des idées liées au fait que je vienne d'Europe avec très certainement des millions dans les poches pour réaliser leurs rêves!

Alors, j'ai dû me mettre les choses au clair, leur dire qu'il n'était pas question pour moi de leur donner quoi que ce soit, d'abord parce que je n'en avais pas les moyens et aussi parce qu'il est facile de demander de l'argent sans avoir jamais tenté de tenir un magasin, sans avoir la moindre idée des capacités que l'on a de le gérer au quotidien, de faire face aux impératifs, aux clients plus ou moins faciles. Il était hors de question, même si j'avais possédé cet argent, de donner à fond perdu pour des projets sans ancrage dans la réalité.

Leur réveil fut sans doute dur, mais je n'avais pas de choix. Il fallut qu'ils réfléchissent à nouveau à leurs possibilités. Nous étions, Dan et moi, prêts à aider autant que possible l'un d'eux ayant des projets réalistes et ne nécessitant que ce qu'ils avaient sous la main. Nous leur demandions de l'ingénuosité, de la créativité, de l'action et plus important que tout, de la motivation.

Mon père avait vraiment l'espoir de me voir réussir à bouger tout le monde et certains bougèrent et même certains partirent.

Ainsi, Yacinthe eu l'idée de "faire cabine". C'est une pratique très répandue en Côte d'Ivoire. On achète un télépone portable avec une puce  et des unités prépayées pour commerçants et on vend des communications. Posté à un endroit stratégique ou bien en vaquant à ses occupations, on signale sa disponibilité.

C'est un bon business, facile à mettre en place, coûtant peu mais demandant d'y mettre du sien.

Adélaïde, Lago et Yacinthe furent partant pour tenter de se lancer. Sur une idée de Dan, un portable leur serait donné, eux n'auraient qu'à rembourser les frais pour l'achat de la puce et du crédit, puis à donner une partie de leur gains à Madame. Le but étant de vérifier leur capacité à gérer leur petit business, un début en somme.

Adélaïde me fit penser à moi car elle réfléchissait, réfléchissait, réfléchissait, trop en fait. Elle se demandait comment concilier cela avec les cours, le travail pour l'école, les sorties avec les copines. Nous n'avions qu'un téléphone à donner, alors ce fut pour le premier qui se décida:  Yacinthe.

Pour tous les autres, il fut convenu que chacun aideraient plus dans la maison et dans le champ derrière celle-ci. Les garçons dans les champs, les filles à la cuisine, cliché non? Oui mais "réaliste". La soeur de Madame allait l'aider plus pour la fabrication et la vente des gâteaux devant la maison. d'autres n'étaient là que pour mon arrivée, pour m'accueillir, ils partaient peu de temps après.

Tous le monde était d'accord sur le principe et en même temps personne n'avait pas vraiment le choix! La mise en place était pour le lendemain dès 5 heures du matin, l'heure du réveil habituelle dans cette contrée.

Armel, Larissa, Lago et Diane qui habitait  là pour aller à l'école

 

Sur ces deux réunions, j'ai appris sur moi, car je me suis vue dans un rôle que je n'avais  jamais endossé. Il faut faire taire ses doutes, mettre à mal des convictions qui ne sont pas adaptées à la situation, dire aux autres ce qu'on a pas forcément fait soi-même, les circonstances sont si différentes.

Alors oui, j'ai raté, je me suis sentie comme mes ancêtres qui venaient transformer la vie des africains avec leurs méthodes agressives, tentant d'imposer un ordre qui n'était pas naturel.

Je pense cependant que cela a un peu fait réfléchir certains: Marguerite, la soeur de Madame a fini par acheter un frigo et partir habiter dans une "entrée-coucher" avec ses deux fils. Elle vends des gâteaux et des boissons.

Yacinthe a fait "cabine" pendant quelques temps avant de revendre son téléphone, mais il nous avait remboursé et avait gagné un peu d'argent,en avait donné un peu à Madame.

Rose est partie se perdre un peu plus dans la vie en repartant à abidjan.

Les frères et soeurs de mon père et de moi ont donné un peu d'eux-mêmes au début puis sont retombés dans leurs habitudes passées, ne pas trop en faire, ne pas participer à la vie financière.

Mon père est assez vieux: 62 ans à ce moment-là, il est fatigué et n'a guère de force pour lutter et s'imposer face à la jeunesse qui l'entoure. Cette dernière en profite bien et préfère ne rien manger certains jours plutôt que chercher à ce que cela n'arrive plus.

C'était particulièrement enrageant pour Dan, car pour lui, on ne peut pas rester ainsi à voir venir la faim sans chercher comment l'éviter, en évitant le vol bien sûr! Il y avait là un vrai choc.

On a tendance à dire en France , en caricaturant, que les africains sont peu enthousiastes à travailler, ma fratrie elle, fait ses choix quand aux activités dans lesquelles elle souhaite s'investir, il est vrai que cela concerne peu le travail alimentaire, non, elle préfère les devoirs scolaires. Ils se sentent intellectuels même si c'est difficile de travailler les cours, les livres, les moyens de l'enseignement sont hélas limités. Par ailleurs, leurs choix ne sont pas applicables par tous ceux  qui n'ont pas ce types d'options à leur disposition.

Bon.

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